À travers l’exploration de la matière, Hyacinthe Ouattara étudie les interactions entre les individus et questionne la place de l’être humain dans l’univers.
Artiste pluridisciplinaire, Hyacinthe Ouattara est le messager de l’intangible. Son art transmet les vibrations sensibles de l’univers. Les médiums sont multiples et se manifestent comme l’expression libre de l’énergie créatrice qui le traverse.
Ainsi, l’exposition personnelle Une odyssée de l’espace, incarne la symbiose entre les inspirations et les techniques qui animent l’art de Hyacinthe Ouattara. Une odyssée de l’espace sonde l’espace-temps et en questionne les composantes. Allégorie du temps qui passe, l’odyssée que Hyacinthe Ouattara compose est un plongeon aux origines de la création et des relations humaines. Elle dessine l’osmose au berceau de la vie, ou comment les particules s’unissent dans l’infini pour émerger du vide et devenir matière.
Cette déambulation vers l’ailleurs - articulée autour d’un ensemble de toiles, de robes tissées et de sculptures - interroge ainsi les liens sacrés qui rassemblent le vivant. Les oeuvres elles-mêmes amènent à un dépassement de la peinture au-delà de sa représentation. Ainsi, Hyacinthe Ouattara reinvente l’espace d’exposition comme une balade sensible au coeur du mouvement.
Hyacinthe Ouattara accueille le visiteur au sein d’une forêt artificielle - Arborescence 2 - composée de six sculptures mêlant éléments naturels et manufacturés. Aux branches venues de différentes régions de l’Hexagone, s’enchevêtrent des vestiges du quotidien : machine à café, palette de peintre et cocotte en fonte - recouverts de clous de girofle. Hyacinthe Ouattara reconnecte le naturel au culturel - en tant que production anthropique - dans une dimension rituelle. Le bois réanimé par l’artiste, traduit la sacralité universelle de l’arbre. Pour lui, “l’arbre représente l’âme, le réceptacle, le prolongement d’une vie ancestrale par sa longévité, car la splendeur du monde se trouve dans des racines cachées.” L’arbre renvoie aux origines de la vie et constitue la première escale de l’odyssée de Hyacinthe Ouattara. Témoin de la création et des mutations du monde, l’arbre nous rattache au passé. Il témoigne de l’émergence d’une culture composite, enrichie par les Histoires qui se jouent dans l’univers, à l’image de la pensée glissantienne du rhizome.
Cette odyssée de l’espace imaginée par Hyacinthe Ouattara reflète donc les variations du monde. Dans cette optique, la série Fractales se déploie dans un ensemble de petites toiles inspirées de la notion de même nom développée en 1967 par le mathématicien Benoît Mandelbrot d’après ses observations de la côte bretonne. Une structure fractale caractérise, à différentes échelles de grandeur, un même processus. Des flocons de neige aux ramifications d’un arbre, ce phénomène émerge dans tout le monde vivant. S’il s’agit d’un phénomène de fragmentation, les fractales peuvent aussi amener à un processus d’expansion : du petit vers le grand, du simple vers le complexe. Les fractales traduisent la capacité de la matière et du vivant à s'auto-organiser et à évoluer.
D’une pensée orientée vers la nature, Hyacinthe Ouattara nous conduit à réfléchir à la dimension culturelle qui scelle les relations humaines. C’est ainsi que les murs se parents de trois robes. Gardiennes des secrets de l’univers, elles émergent d’un assemblage de textiles récupérés - métaphores du lien social, au fondement de toute société. À travers l’exploration de la matière, Hyacinthe Ouattara étudie les interactions entre les individus et questionne la place de l’être humain dans l’univers. Ces robes sont issues de la série Tââfé Fanga, qui signifie en langue Bambara - langue majoritairement parlée en Afrique de l’ouest - le pouvoir du pagne. Le pagne est empreint d’une symbolique forte et exaltait le pouvoir et la force sécrète féminine dans la société ancestrale. Objet de culte et d’apparat, le vêtement apparaît alors comme la barrière entre la peau et le monde. Il devient le messager de l’être qu’il recouvre. Alors que les robes confectionnées par Hyacinthe Ouattara revêtent différentes nuances de rouge, elles portent en elles ce message organique, directement relié à l’intériorité des individus.
Les oeuvres picturales qui ponctuent l’oeuvre de Hyacinthe Ouattara naissent de son geste spontané. Le film documentaire réalisé par Christian Lajoumard - “L’Artiste et l’oeuvre, Hyacinthe Ouattara” - concluant ce parcours initiatique, donne à voir l’acte même de création. Hyacinthe Ouattara se dévoile ainsi en plein processus, traversant l’écran de son mouvement ample jusqu’à en matérialiser le fruit dans l’antre même de la galerie. Ainsi, symboliquement, l’exposition s’achève sur l’oeuvre alors créée face au cinéaste, intitulée Fenêtre vers l’Horizon. Cette fenêtre fait écho à la définition même de la peinture : « fenêtre ouverte sur le monde » - avancée en 1435 par le théoricien toscan Alberti - et reflète le mouvement perpétuel du monde. La fin n’est pas une fin en soi, mais une ouverture vers l’ailleurs.
Une odyssée de l’espace, s’annonce comme une invitation à explorer les origines de l’univers, pour mieux comprendre le vivant.