L’exposition Humano e a Natureza (L’humain et la nature), remet en question cette hiérarchie. Empreintes de révolte et ancrées dans un contexte de pandémie, les œuvres de Cristiano Mangovo témoignent d’une relation déséquilibrée et regrettent l’Anthropocène : l’ère de l’humain.
Dans un climat de crise environnementale où l’activité humaine entraîne des changements climatiques irréversibles, l’artiste angolais Cristiano Mangovo interroge la position de domination de l’Homme sur la nature. Longtemps considérée comme acquise, elle n'a cessé de perturber un équilibre naturel plus large. En mettant les visiteurs face à cette réalité, Cristiano Mangovo les prend à partie : pourquoi les humains ont-ils un pouvoir de vie ou de mort sur les autres espèces ? Et l’ont-ils vraiment ?
L’exposition Humano e a Natureza (L’humain et la nature), remet en question cette hiérarchie. Empreintes de révolte et ancrées dans un contexte de pandémie, les œuvres de Cristiano Mangovo témoignent d’une relation déséquilibrée et regrettent l’Anthropocène : l’ère de l’humain. Comme le relevait dès 1993 le biologiste américain Edward O. Wilson « l’Homme est devenu une force géophysique capable de modifier l’atmosphère, le climat et la composition de la faune et de la flore. » Ainsi, Cristiano Mangovo déplore que la nature soit prise pour une ressource : une matière première que l’on exploite plutôt qu’un sujet avec lequel on entretiendrait une relation d’égal à égal, basée sur le respect et la bienveillance. Il précise : « Je remets constamment en question la manière dont les humains déclarent et manifestent leur supériorité sur les autres espèces vivantes. Il s’agit de changer de perspective, et de considérer toute forme de vie comme ayant sa propre valeur, une valeur digne de respect. »
Si certains artistes - comme Joseph Beuys, Pierre Huyghe ou encore Anicka Yi - prolongent une réflexion sur l’environnement en créant des écosystèmes immersifs en évolution constante à travers une exploration organique, physique, voire parfois chimique et sensorielle, Cristiano Mangovo, lui, repense l’équilibre terrestre à travers sa peinture. Il s’appuie sur une figuration qui lui est propre pour porter ses messages de la manière la plus claire possible. Ses toiles reposent sur un langage pictural personnel dans lequel il s’amuse avec la réalité. Il compose des êtres inédits mais reconnaissables en associant des éléments visuels universels. Ses créatures composites, assemblages hybrides d’éléments humains, animaux et végétaux sont autant de formes inédites qui émergent des corps éparpillés, alors que cravates, manches et pantalons habillent aléatoirement les membres réassemblés. Si l’œil tente de comprendre ce dont il est témoin, un certain équilibre se dégage de ces créatures fantastiques, suggérant une harmonie crue, élémentaire et organique entre Homme et nature. Les personnages imaginaires et fabuleux de Cristiano Mangovo sortent du chaos dans un mouvement vif, presque festif. Ils endossent un message d’espoir et de joie inattendu, suggérant un renouveau et un équilibre possible où Hommes et nature cohabitent en paix.
Omniprésente dans le travail de Cristiano Mangovo, la double bouche prodigue à son oeuvre une dimension politique. Ce motif trouve ses racines dans le gouvernement dirigé par José Eduardo dos Santos, président de l'Angola – pays natal de Cristiano Mangovo – de 1979 à 2017. Condamnant un régime dictatorial inavoué où l'opinion publique était strictement contrôlée, l'artiste confère à ses personnages à deux bouches le pouvoir de s’ériger contre cette censure. Il les libère ainsi d'une répression durable. Ses toiles combattent l'ignorance et sensibilisent l'opinion publique. Celui qui se considère comme un « oiseau reporter », devient ainsi plus que tout un messager. Il détaille : « Comme l’oiseau, je peux entrer partout : dans la maison des pauvres comme la maison des rois. Je peux écouter ce qu’il se passe et transmettre le message. J’essaie avant tout de transmettre un message d'espoir à travers la vie quotidienne. » Ainsi, plus que de dénoncer les conséquences inhérentes à l’activité humaine, Cristiano Mangovo invite son public à agir. À travers son large format Dragon vs Mwana Mpwo, il dénonce l'implantation en Afrique des entreprises agroalimentaires chinoises et regrette la manière dont les enjeux économiques et politiques prennent le pas sur les préoccupations environnementales. En soulignant la perte et la surexploitation des terres et autres ressources naturelles au bénéfice d’un profit financier moindre et éphémère, l’artiste critique l’exploitation de la nature à des fins politiques au détriment d’une harmonie perdue.
Finalement, si Humano e a Natureza aborde les défis permanents liés à l'environnement, la peinture de Cristiano Mangovo s’intéresse en particulier aux consensus et comportements humains considérés comme immuables pour mieux les déconstruire. Il invite son public à adopter une logique réparatrice, ancrée dans la construction d’une nouvelle harmonie.