The Softer Side Of Us is a celebration of the black community across different eras, and geographies in the USA, UK and Ghana. The exhibition aims to showcase the complexity of the black experience, highlighting moments of leisures and other glimpses of everyday life.
Avec ce nouveau corpus d'œuvres, Richard Mensah propose des représentations de personnes noires affichant sans complexe "leurs aspects les plus doux". À une époque où de nombreux artistes explorent l'art du portrait et en particulier le portrait noir, Richard Mensah se différencie grâce à sa connaissance de l'histoire des Noirs. Il imprègne en effet, chaque œuvre d'éléments, de symboles et de références historiques.
The Softer Side Of Us est une célébration de la communauté noire à travers différentes époques et géographies aux États-Unis, au Royaume-Uni et au Ghana. L'exposition vise à révéler la complexité de l'expérience noire, en mettant en évidence des moments de loisirs et de vie quotidienne.
Les œuvres de cette série sont jalonnées d'images qui pourraient évoquer le Bayou de la Nouvelle-Orléans (États-Unis) pour certains, ou rappeler Accra, la capitale ghanéenne, d'où l'artiste est originaire, ou même transporter le spectateur au Royaume-Uni, où l'artiste vit actuellement. En termes de période, Mensah s'amuse à juxtaposer des références anachroniques. Qu'il s'agisse de références au mouvement iconique de la Harlem Renaissance des années 1920, ou de scènes tout droit sorties du Windrush des années 1950 au Royaume-Uni, ou même du Ghana d'aujourd'hui. Ce qui est sûr, c'est que le peintre dépeint la libération, la liberté et une joie inconditionnelle et intemporelle. Cela se ressent dans l'ensemble des œuvres, dans les coups de pinceau, les vagues d'eau, les robes fluides, les postures joyeuses ou décontractées des personnages, leurs regards audacieux et la présence récurrente de l'auréole d'or.
Le fond noir richement texturé contraste avec les fonds colorés monochromes très populaires auprès des artistes figuratifs noirs, comme Amoako Boafo, compatriote de Mensah. Le peintre a choisi ici de présenter le côté doux et vibrant d'une communauté à laquelle il s'identifie, en utilisant des couleurs à faible énergie, connues pour absorber toute la luminosité. De la même manière qu'il modifie le récit sur la communauté noire, il modifie le récit sur la couleur noire. Elle devient un symbole positif. Ce sentiment est renforcé par l'utilisation de feuilles d'or pour créer des arcs dorés. L'or, une couleur associée à la royauté, au luxe et au succès. Enfin, ces fonds comportent des formes circulaires, rassurantes, signifiant l'harmonie, la protection et le cycle de la vie. The Softer Side of Us est sans conteste tourné vers les représentations positives de l'expérience noire.
La représentation est une notion chère au Harlem Renaissance, un mouvement culturel qui a émergé dans les années 1920 dans le quartier majoritairement noir de Harlem, à New York. C'était une période d'épanouissement artistique et intellectuel, où les artistes, écrivains, musiciens et intellectuels noirs créaient des œuvres qui célébraient leur culture et remettaient en question les stéréotypes et les préjugés qui avaient longtemps marginalisé leur communauté. Aujourd'hui, ce combat est mené par des personnes comme Tricia Hersey, fondatrice du Nap Ministry, qui affirme que "le repos est une forme de résistance", alors que sa prédécesseure, la poétesse Audre Lorde membre du Harlem Renaissance, affirmait, plus de 50 ans auparavant : "Prendre soin de soi n'est pas de l'indulgence, c'est de l'autoconservation, et c'est un acte de guerre politique." Dans les deux cas, les femmes réclament une vie douce.
Le tableau When We Arrived (2022) semble incarner cette idée de repos et de soin de soi tout en étant une célébration manifestement anachronique de la culture noire. Le tableau est composé de trois scènes qui pourraient se dérouler à trois époques et dans trois lieux différents : un couple en train de pique-niquer - peut-être dans le Harlem des années 1930, trois hommes jouant au cricket, probablement au Royaume-Uni des années 1950, et un couple assis sur un banc, peut-être au Ghana d'aujourd'hui.
Alors que l'histoire de l'art compte moult œuvres représentant des scènes de pique-nique telles que le célèbre Déjeuner sur l'herbe d'Edouard Manet (1863) et sa réponse Déjeuner sur l'herbe par Claude Monet (1866), Richard Mensah propose ici une version d'un pique-nique dans un parc exclusivement avec des protagonistes noirs. Au premier plan, un homme et une femme, tous deux pieds nus, se détendent sur une couverture à carreaux rouges et blancs, à même l'herbe. Alors que la femme est allongée, la tête reposant sur son bras replié, l'homme est assis, penché vers elle et la regardant tendrement, tournant le dos au public.
Cette scène est frappante pour plusieurs raisons. Tout d'abord, l'artiste choisit de placer le public dans le dos du personnage, ce qui nous donne l'impression d'épier un moment d'intimité renforcée par la position des personnages. Comme si le spectateur bénéficiait d'un accès privilégié à travers une porte cachée, située à l'arrière du jeune couple. Quant aux amoureux, ils semblent enfermés dans leur bulle, oubliant le reste du monde, dans un temps suspendu, utilisant leurs yeux pour partager leurs secrets les plus intimes. Il s'agit là d'une déclaration forte de Richard Mensah, car il existe encore peu de représentations de l'amour et de l'intimité des Noirs dans l'histoire de l'art.
Comme le dit l'écrivaine ghanéenne Ama Ata Aidoo : "Nous sommes victimes de notre histoire et de notre présent. Ils placent trop d'obstacles sur le chemin de l'amour". Pour elle, l'amour est rarement prioritaire et est souvent relégué au second plan en raison d'un contexte sociologique difficile. Ici, le peintre choisit de rappeler aux Noirs de ne pas renoncer à l'amour et embrasse son rôle d'artiste tel qu'envisagé par la penseuse américaine Bell Hooks. En effet, pour elle, "la fonction de l'art est de faire plus que de dire les choses telles qu'elles sont - c'est d'imaginer ce qui est possible", et c'est exactement ce que Mensah réalise : normaliser l'amour noir et nous offrir des représentations de ce qui est possible.
Pendant des siècles, dans l'histoire de l'art et dans les médias grand public, les Noirs ont été réduits à leur corps ou à leurs fonctions. Ils sont sexualisés à outrance, victimes d'exotisation, d'érotisation et de nombreux clichés. Avec ses portraits, Mensah redonne humanité et douceur aux Noirs.
When We Arrived présente ainsi des Noirs à l'aise, profitant d'un rendez-vous, assis sur un banc ou jouant au cricket. Le cricket est un sport associé au Royaume-Uni. Il est devenu un sport d'une importance capitale pour la génération Windrush, celle de Caribéens arrivés au Royaume-Uni après la Seconde Guerre mondiale. Le terme "Windrush" fait référence au navire MV Empire Windrush, qui a accosté à Tilbury en 1948, transportant des travailleurs des îles britanniques de l'époque, pour aider à combler les pénuries de main-d'œuvre d'après-guerre au Royaume-Uni. Cet événement a marqué un tournant dans l'histoire britannique et a fait entrer le pays dans une ère de multiculturalisme, avec l'émergence de diverses communautés noires.
Les équipes de cricket étaient alors principalement composées de joueurs noirs originaires des Caraïbes, un phénomène qui s'est atténué au fil du temps. C'est pourquoi il est peu probable que la scène représentée dans le tableau se déroule de nos jours, mais plutôt entre les années 1950 et 1970. Mensah met en lumière une partie de l'histoire peu connue et, ce faisant, modifie le récit en incluant les histoires personnelles des Noirs dans la Grande Histoire.
Outre le cricket et le pique-nique, de nombreuses occupations sont représentées dans The Softer Side of Us telles qu'assister à des funérailles, jouer dans une fanfare, danser, poser pour des photos ou nager ; sont quelques-unes des occupations représentées dans ce corpus d'œuvres. Avec ce kaléidoscope d'activités sur un fond unique, l'artiste crée un nouveau vocabulaire pictural qui célèbre sans complexes les communautés noires, où qu'elles soient, avec pour trait commun une invitation au repos, à l'intimité et au temps libre. Une invitation qui semble être formulée par les différents protagonistes des œuvres eux-mêmes: "venez nous voir, soyez témoins de nos aspects les plus doux - The softer side of us."
Commissariat : Essé Dabla-Attikpo