El Dorado: Omar Mahfoudi

11 Décembre 2021 - 11 Janvier 2022

Ainsi, face aux personnages de Omar Mahfoudi, perdus dans l’immensité de la toile, les visiteurs sont amenés à réfléchir au pourquoi, au comment et au si de leur errance. Sans réponse à trouver dans ces horizons sans limite, on ne peut que se demander si ces figures humaines existent vraiment ou si elles sont un reflet de soi dans une oasis dorée.

Paysages liquides et personnages énigmatiques habitent l’art de Omar Mahfoudi. Le peintre marocain installé à Paris propose une peinture onirique teintée de mélancolie comme de mystère. Il a récemment fait de l’or et de ses nuances une terre d’expérimentation dans le prolongement de son exploration autour de la lumière.

Son exposition personnelle El Dorado, est une invitation à un voyage sans destination précise, offrant une infinité de possibilités à la discrétion du visiteur. Si les silhouettes errantes qui peuplent ses toiles nous interpellent par leur posture : Que recherchent-elles ? L’ont-elles trouvé ? Omar Mahfoudi interroge le spectateur lui-même : Que recherchez-vous ? Quelle est votre utopie ? Ainsi à travers ces landes ondulantes, horizons réminiscents du Japon, de l’Amérique du Sud et du Maroc natal de l’artiste, El Dorado constitue une odyssée initiatique, un chemin à travers les limbes de notre inconscient vers un exil spirituel.

 

La légende de l’Eldorado s’est transformée au fil du temps. Celui qui était à l’origine un homme couvert d’or El Dorado est devenu une terre promise  - Eldorado, la cité d’or, objet d’expéditions vaines - avant de se faire la métaphore d’un idéal incarnant non seulement une immense richesse, mais aussi un amour sans limite et un succès incommensurable. L’objet du désir n’a jamais vraiment eu d’importance. Au contraire, c’est la quête qui a inspiré le mythe qui compte. Cette quête, Omar Mahfoudi se l’approprie et en fait une mission commune en incluant ceux qui se retrouvent face à ses oeuvres. C’est ainsi que les personnages - êtres transparents qui se fondent jusqu’à ne faire qu’un avec leur environnement, souvent sans visage, sans origine ni genre - se font le reflet de ceux qui les observent. Silhouettes flottantes et anonymes empreintes d’une ambiguïté mystique, ils matérialisent leurs pensées, leur esprit et leur élévation. À cheval, sur un bateau ou en marche, ils incarnent leur propre traversée. 

 

Les titres des toiles de Omar Mahfoudi constituent eux-mêmes les chapitres du récit participatif qu’il dirige d’un coup de pinceau. L’artiste y pose le décor, les personnages, les sentiments - de l’attente, de la nostalgie, du regret mais aussi de l’amour. Ces influences romantiques se retrouvent dans la problématique de l’homme face à la nature héritée du Romantisme allemand tout comme dans l’utilisation de l’or - fait de mystères et de voiles troublants, symbole de pouvoir comme désir d'ailleurs. À travers les quelques indices visuels qu’il dissémine, Omar Mahfoudi invite ses spectateurs au rêve. Il les encourage à projeter dans son art leur propre narration. En écho à leur histoire personnelle et à leur perception du monde, déserts d’or et contrées infinies leur appartiennent et deviennent le point de départ de leurs propres aventures. L’El Dorado, c’est finalement se trouver soi.

 

Inspiré par le cinéma d’Andreï Tarkovski et Werner Herzog, Omar Mahfoudi écrit un conte universel comme intemporel. Il prête à son art son propre cadre spatio-temporel. La nuit et le jour n’ont plus d’importance. Est-ce le lever ou le coucher du soleil ? Est-ce un soleil ou une lune ? La géométrie parfaite de la sphère dorée, immobile au centre de son œuvre, contraste avec le mouvement aérien de l’environnement. En reflétant la lumière extérieure à la toile, elle projette l'œuvre-même dans une autre dimension : celle du visiteur - le renvoyant à sa propre position, à la fois spectateur et protagoniste. 

 

Omar Mahfoudi décrit sa ville d’origine, Tanger, comme un « finistère », par définition : « une avancée de terre sur une étendue d’eau qui marque l’extrémité d’un continent ». Ses paysages, entre dunes sans fin et étendues aquatiques évoquent son enfance où la mer était la seule frontière entre « l’autre côté » et la région désertique du nord du Maroc. C’est de ce fantasme du lointain que ces territoires d’or émergent, aussi bien mystérieux qu’illusoires. Naturellement, terre et mer ondulent et se confondent dans ses toiles. L’ambiguïté qui peuple le travail de Omar Mahfoudi est la métaphore de l’El Dorado lui-même : une utopie qui n’a besoin ni de lieu déterminé, d’acteur précis ou de sens prédéfini pour exister. 

 

Ainsi, face aux personnages de Omar Mahfoudi, perdus dans l’immensité de la toile, les visiteurs sont amenés à réfléchir au pourquoi, au comment et au si de leur errance. Sans réponse à trouver dans ces horizons sans limite, on ne peut que se demander si ces figures humaines existent vraiment ou si elles sont un reflet de soi dans une oasis dorée.

 

 

OBTENIR LE CATALOGUE