Kwata Saloon: Ajarb Bernard Ategwa

28 Août - 28 Septembre 2021

Les couleurs vives qui jaillissent sous les pinceaux d’Ajarb Bernard Ategwa rendent hommage à l’esthétique pop et reflètent la chaleur et l’agitation de Douala. La ville est la première destination des jeunes venus de toutes les régions du pays en quête d’une vie meilleure. La palette chromatique, empreinte d’un symbolisme personnel, traduit cette multiplicité culturelle et participe à la narration.

Si l’artiste camerounais Ajarb Bernard Ategwa nourrit principalement son iconographie de scènes du quotidien à Douala, l’exposition Kwata Saloon témoigne d’une nouvelle expérience thématique. À travers cette série, Ajarb Bernard Ategwa s’intéresse aux salons de coiffure éphémères qui fleurissent au Cameroun de novembre à février. Cette plongée au cœur de ces salons de beauté dévoile des scènes où intimité et convivialité se mêlent ; et met en avant la coexistence de liens culturels comme intergénérationnels. En présentant les différentes générations, les genres et les couches de la société impliqués, l’artiste souligne la dimension communautaire de ce procédé. Il relève ainsi les relations fortes entre les individus entretenues par la coiffure. En s’intéressant à ces salons, il témoigne d’une période temporaire, durant laquelle le bien-être et le partage sont au centre de la vie sociale.

 

Kwata Saloon glorifie l’allure et la beauté de ceux qu’Ajarb Bernard Ategwa peint, des femmes en particulier. L’artiste les montre dans leurs plus beaux vêtements, arborant des coiffures impeccables, reflétant cette période de l’année pendant laquelle le corps devient source et outil de contemplation. La présence de ces personnages irradie la composition. Sur la toile habillée d’aplats de couleurs vives, la peau - ornée de touches de peinture - contraste avec l’environnement et interpelle l'œil du spectateur. Ce dernier se retrouve happé par l’action. Plus que de regarder un tableau, il est amené à contempler des scènes de vie, réminiscence de la peinture de genre. Dans un espace où le quotidien est souvent marqué par la chaleur et l’agitation, ces salons de coiffure éphémères apportent une dynamique nouvelle. Ainsi, Douala 24 December (2021) est une fenêtre sur l’effervescence d'un salon de coiffure à Douala à la veille de Noël. L'œil est immergé dans la confidence du lieu. La toile capture l'agitation d'un moment de célébration, un fragment distinct de la vie familiale teinté de tendresse.

 

Les couleurs vives qui jaillissent sous les pinceaux d’Ajarb Bernard Ategwa rendent hommage à l’esthétique pop et reflètent la chaleur et l’agitation de Douala. La ville est la première destination des jeunes venus de toutes les régions du pays en quête d’une vie meilleure. La palette chromatique, empreinte d’un symbolisme personnel, traduit cette multiplicité culturelle et participe à la narration. Ajarb Bernard Ategwa détaille : « Le bleu évoque la mer et fait référence aux villes du littoral comme Douala, Kribi et Limbe. Le jaune évoque le soleil et fait référence au nord du Cameroun. D’autre part, lorsque j’utilise le rouge et le marron, je parle des conflits qui sévissent depuis cinq ans dans l’ouest du pays. ». Ainsi, l’artiste associe le phénomène social distinct qu’il dépeint, au contexte socio-économique et politique camerounais à travers une identité visuelle forte qui lui est propre.

 

Alors que ses larges toiles saisissent un instant de partage et figent le mouvement, ses portraits individuels au cadrage rapproché font écho aux selfies partagés sur les réseaux sociaux. L’esthétique générale reflète la société médiatique, tout comme elle trouve racine dans la photographie de studio. La posture des modèles - dont la position des mains souligne le visage - rappelle les clichés signatures du malien Seydou Keïta. Les fonds traditionnellement bariolés se font ici monochromes. Un contact direct se crée entre l’audience et le modèle : unique point focal de la composition. Ajarb Bernard Ategwa invite à une réflexion sur l’apparence et l’affirmation de soi. Si ses personnages sont anonymisés et réduits à un ensemble chromatique contrasté, leurs accessoires et différents apparats les ancrent dans un contexte aux influences locales comme mondiales.

 

Des toiles du peintre camerounais Boris Nzebo à travers lesquelles la coiffure interroge qui nous sommes et met en exergue les inégalités sociales ; aux sculptures capillaires militantes de l’artiste ivoirienne Laëtitia Ky, les cheveux s’imposent dans l’art comme dans le domaine public. Ils sont aussi bien l’étendard d’une identité affirmée que porteurs de revendications. Qu’il renoue avec les traditions ou s’écarte des clichés traditionnels, le cheveu dépasse sa seule valeur esthétique. C’est en mettant en lumière un moment personnel propre à la période festive de fin d’année, qu’Ajarb Bernard Ategwa reflète une pratique sociale qui lie plusieurs générations entre elles. Sous ses pinceaux, la coiffure apparaît créatrice de liens sociaux. Alors qu’il attire le regard sur les femmes, il représente également les hommes impliqués dans ce processus de mise en beauté qui peut durer une journée entière. 

 

À travers une peinture très personnelle, Ajarb Bernard Ategwa participe à la construction des archives de la vie quotidienne de son époque. Il s’intéresse aux habitudes et à leur dimension sociale. Kwata Saloon, qui signifie salon du quartier, est une invitation à contempler de plus près une réalité quotidienne éphémère, interrogeant ainsi la relation qu’entretient le personnel avec le politique et le social.

 

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