L’exposition Ukhurhę souligne l’importance d’un système d’écoute et de soutien - physique comme spirituel - pour surmonter la dépression. La peinture de Matthew Eguavoen insiste sur les relations fortes entre les individus et comment ces liens humains - familiaux ou amicaux - comme spirituels, mènent à la guérison par la libération de la parole, rompant avec les tabous et les préjugés liés à la santé mentale.
À travers des visages à l’expression grave et au regard perçant, Matthew Eguavoen dresse un portrait de la société nigériane. Mis en scène dans un intérieur familier, ses modèles se font le miroir des problématiques sociales. Cette nouvelle série d'œuvres, rassemblées sous le titre Ukhurhę, évoque la dépression et regrette que la santé mentale ait longtemps été - et continue d’être – négligée, stigmatisée et invisibilisée sur le continent africain. Chaque image porte une histoire intime et laisse transparaître la complexité des guerres internes propres à chacun. Derrière ces portraits se cache l’expérience de l’artiste, lui-même concerné, et témoin d’un mal-être global installé parmi la jeunesse.
Dans une quête de paix intérieure et de soutien pour surmonter ses angoisses, Matthew Eguavoen s’est intéressé à la culture de la région d’Edo d’où il est originaire. Son père lui a ainsi parlé de l’ukhurhę. Bâton de bois gravé, représentant les ancêtres de la famille, il unit le monde physique au monde spirituel, connectant les vivants aux esprits. Commandé par le fils aîné à la mort de son père, il leur permet de rester en contact, le défunt père devenant le médiateur auprès des ancêtres. Matthew Eguavoen inspire à renouer avec les traditions pour répondre à la souffrance et trouver la voie de l'apaisement.
Dans le calme de l’espace d’exposition, les personnages d’apparence impassible fixent ceux dont le regard les dévisage, laissant deviner leurs inquiétudes, dans un appel à l’aide silencieux. Sur la toile, on ne peut voir le visage de ceux qui ont quitté les vivants pour rejoindre les esprits. Ces double portraits attestent de la connexion avec les ancêtres - matérialisée dans l’objet de l’ukhurhę qui clôture l’exposition au sein d’un autel. Celui-ci est formé de trois ukhurhęs - montrant le cycle naturel des générations qui se succèdent les unes aux autres - et d’objets d’offrande. Communément, lorsque le fils aîné confie ses préoccupations devant l’autel familial, il s’en détache, car elles appartiennent désormais aux ancêtres. Matthew Eguavoen voit en cette pratique la version traditionnelle des thérapeutes occidentaux. Ainsi, surmontée de la mention « My Family’s Therapist » et invitant les visiteurs à prendre place sur la chaise qui lui fait face, l’installation encourage à partager sa douleur si ce n’est avec les vivants, au moins avec les esprits, pour la soulager.
L’exposition Ukhurhę souligne l’importance d’un système d’écoute et de soutien - physique comme spirituel - pour surmonter la dépression. La peinture de Matthew Eguavoen insiste sur les relations fortes entre les individus et comment ces liens humains - familiaux ou amicaux - comme spirituels, mènent à la guérison par la libération de la parole, rompant avec les tabous et les préjugés liés à la santé mentale.