Représenter la lumière, ne serait-ce pas s’emparer de l’intangible en retranscrivant une impression – ce phénomène même qui influença Claude Monet pour intituler son oeuvre Impression, soleil levant (1872-1873), présageant sans le vouloir le nom d’impressionnisme du mouvement éponyme ? Ces peintres sortirent de leur atelier avec la volonté de capturer les multiples facettes des paysages, dont le visage mute au rythme du soleil.
Le peintre Omar Mahfoudi, lui, fait l’expérience de la lumière par la fenêtre de son atelier. Il s’imprègne de l’image du jour qui défile pour laisser place à la nuit, le temps des rêves. Alors qu’il se saisit de la sensation laissée, la couleur s’échappe de ses pinceaux, épousant la palette chromatique qui transforme le ciel. Son exposition personnelle Waiting for the Light to Change se définit comme une flânerie du crépuscule jusqu’au lever du jour, une expédition nocturne à la recherche de la clarté.
Aux murs, les paysages se succèdent. Terrains privilégiés d’une lumière mouvante, ils exposent les expérimentations chromatiques d’Omar Mahfoudi. Dans son éternelle quête pigmentaire, le coloriste s’aventure dans les mystères de la nuit. Comment la couleur peut-elle exister dans le noir ? Omar Mahfoudi associe l’exploration de la lumière à l’étude de son absence.
La lumière se révèle parfois pure, dans une abstraction monochrome, parfois timide pour habiller la nuit. Les scènes se parent de nuances améthyste et topaze, baignant les panoramas diurnes dans l’inconnu. Les figures qui se dessinent deviennent des ombres. L’artiste approche l’obscurité et les sources lumineuses qui traversent la pénombre. Si le soleil appartient au jour, la nuit n’est, elle non plus, pas dénuée d’astre. C’est ainsi que dans un mouvement cyclique, la lune se change en soleil. La répétition des formes permet à l’imaginaire de s’éveiller, menant la peinture d’Omar Mahfoudi vers l’abstraction. Les personnages se retirent. La matière mêlée à l’eau estompe les lignes jusqu’à brouiller l’horizon. Océan et ciel se confondent et finissent par se refléter l’un et l’autre.
Peindre l’environnement fait partie intégrante du vocabulaire pictural d’Omar Mahfoudi et se dessine pour lui comme une échappatoire. Il reconnaît sa démarche dans les mots du peintre britannique David Hockney qui, interrogé en 2019 par le Musée Van Gogh lors de son exposition dans l’institution située à Amsterdam, déclarait : “Ce n’est pas le paysage qui est devenu ennuyeux, mais la manière de le représenter - on ne peut pas se lasser de la nature.” Posés sur la toile, forêts et océans se font prétexte. Ils incarnent les questionnements existentiels et techniques de leur créateur, apparaissant en réalité dans une forme d’expression de sa vie intérieure.
Se déployant en un manifeste de la couleur, Waiting for the Light to Change matérialise un manque de proximité avec la nature et avec la lumière, un besoin nostalgique de revenir à l’essentiel - métaphore de l’effacement progressif de la narration au profit d’une peinture pure qui parlerait d’elle-même. Naturellement, la nuit guide Omar Mahfoudi dans sa poursuite de l’abstraction et le rapproche de l’idée du rêve dont le souvenir marque son Oeuvre. Attendre que la lumière change, ne serait-ce finalement pas toucher l’abstrait ?