Emma Odumade compose avec plusieurs réalités : entre souvenirs et scènes fictives empreintes de références à sa propre vie. Il témoigne de son combat pour sortir de son mal-être, et rassemble, dans son art, les moments de joie qui le tiennent hors de l'obscurité. Il plonge les spectateurs dans son intimité.
Créées lors d'une importante remise en question personnelle, les toiles présentées retiennent de cette période les tourments de l'artiste, et explorent les voies qui se sont offertes à lui pour dépasser la souffrance. C'est ainsi qu'Emma Odumade présente un art sensible et confidentiel - développé autour de portraits au fusain dans un style hyperréaliste. Son oeuvre est étroitement liée à sa vie privée et à ses préoccupations. L'artiste y intègre ses souvenirs et ses émotions. Si le moment qu'il aborde rejoue un événement charnière de sa vie, il invoque toujours une scène en proie à un changement en cours. As I Reflected matérialise donc la transition. Dans ce sens, la forme de certaines toiles - circulaires ou obliques - comme la posture des personnages mouvants, procurent une sensation d'élan et suggère le mouvement. L'ensemble de trois toiles Three Sides of a Coin décrit, documente et interroge le changement en affichant trois fois la même figure enfantine sous trois angles distincts et traversée par trois différentes émotions. Thème récurrent dans l'art d'Emma Odumade, l'enfance se manifeste comme symbole du commencement. L'artiste développe : "Nous étions des enfants avant de devenir qui nous sommes aujourd'hui. Les enfants nous renvoient au passé, quand nous étions libres". L'enfant devient alors le témoin privilégié de la transition, acteur se tenant à l'aube du changement.
Les éléments de collage que l'on retrouve en écho dans les œuvres d'Odumade - des photos de bronzes du royaume du Bénin, des vieux billets de concert, des images d'archive et des croquis - mélangeant passé, présent et futur. Odumade interroge de ce fait les transformations des espaces partagés. Comment ces mutations impactent-elles la vie sociale dans notre rapport à l'autre et à notre environnement ? C'est la question que pose Festival of Men - toile ronde représentant deux personnages centraux et un coq - qui initie une réflexion sur la notion de genre et les stéréotypes associés.
Ainsi, Emma Odumade compose avec plusieurs réalités : entre souvenirs et scènes fictives empreintes de références à sa propre vie. Il témoigne de son combat pour sortir de son mal-être, et rassemble, dans son art, les moments de joie qui le tiennent hors de l'obscurité. Il plonge les spectateurs dans son intimité. Il les introduit aux personnes qui lui sont chères : sa petite amie dans Unto Me, ou encore ses meilleurs amis dans Euphoria (Never Low Again) - jusqu'à se révéler lui-même à travers un autoportrait. Seth ; Why Run Away from Light Equals Infin9s , fait partie des rares auto-représentations de l'artiste. Sur la surface du papier, Seth, son alter ego, prend la fuite avant de se heurter à un obstacle. Il apparaît rattrapé par la réalité qui lui fait face. Cet autoportrait marque la prise de conscience de l'artiste : "J'essaie d'affronter le fait que je grandis. Je ne peux plus échapper à la réalité. Je dois l'affronter". Alors qu'il était au plus bas, il illustre sa bataille pour aller de l'avant. "Pourquoi fuir la lumière" ? interroge-t-il. La réponse émerge sous la forme d'une équation : Infin9s, qui le connecte à l'univers. D'autres équations se retrouvent à l'arrière-plan dans des notes frénétiques et spontanées, presque obsessionnelles, évoquant le futur en tant que prédiction ; tout comme le passé de l'artiste qui a étudié les sciences physiques. Le thé noir symbolise à la fois le présent - de par l'attrait d'Emma Odumade pour la botanique - , mais aussi le commencement et l'âme : ce qui est à l'intérieur mais ne peut être montré physiquement. Ainsi, Emma Odumade, qui se décrit comme introverti et discret, se dévoile à travers cet autoportrait, mettant à nu sa douleur et ses doutes. S'il cherche à attirer l'attention de celui qui lui fait face en juxtaposant couleurs et techniques plastiques, ce portrait s'affirme comme un cri de l'artiste, en quête de changement.
Les situations fictives - avec pour acteurs principaux des anonymes croisés au détour d'une rue - qu'il met parfois en scène, sont imprégnées de ses expériences, et portent ses réflexions sur le monde. Emma Odumade propose des réalités alternatives qu'il intègre à sa propre réalité en y glissant des artefacts personnels, toujours dans une volonté de souligner les transformations que subit le monde et les connexions qui relient les êtres. Ainsi, si As I Reflected se fait le miroir de la réalité d'Emma Odumade par son caractère personnel, elle touche également à des questionnements universels et interroge notre rapport au passé et aux mutations du monde à travers le temps.