Biographie

JEAN DAVID NKOT EST NÉ EN 1989 À DOUALA, AU CAMEROUN, OÙ IL VIT ET TRAVAILLE.

 

Après un BAC en peinture à l’Institut de Formation Artistique de Mbalmayo (IFA), il intègre l’Institut des Beaux-Arts de Foumban où il obtient une licence en dessin et peinture. Tout au long de sa formation aux beaux-arts de Foumban, il a été lauréat de plusieurs distinctions artistiques : meilleur sculpteur, installateur et peintre. En 2017, il rejoint le « Post-Master « Moving Frontiers, organisée par l’École nationale supérieure d’art de Paris-Cergy  en France, sur le thème des frontières. Par ailleurs, conscient de ce que ses aînés peuvent lui apporter, il fréquente les ateliers d’Hervé Youmbi, Salifou Lindou, Jean Jacques Kanté, Pascal Kenfack et Ruth Belinga.

 

Peintre de la condition humaine, l’artiste s’intéresse depuis 2020 à l’exploitation des matières premières en Afrique et aux enjeux économiques comme politiques qui l’accompagnent. Il concentre désormais sa réflexion sur la culture du coton, en tant qu’origine de la révolution industrielle et des débuts du capitalisme. Il en souligne l’impact environnemental et humain, tout comme les rapports Nord/Sud.

Avec son travail, Jean David Nkot pallie le manque de visibilité et de reconnaissance de ces travailleurs de l’ombre. En leur donnant le statut d’icônes contemporaines, il nous invite à repenser notre modèle économique pour protéger les Hommes comme la planète. Si la dimension humaine n’a jamais quitté l’art de ce peintre de la condition humaine, l’écologie investit son oeuvre. Jean david Nkot nous rappelle que l’Homme ne peut être déconnecté de son environnement et que la protection de l’un implique la conservation de l’autre.

 

Le travail de Jean David Nkot a été présenté lors de foires à Miami, New York, Londres, Paris, Marrakech et Le Cap. Il a également été exposé dans des institutions internationales telles que le Guangdong Times Museum (Canton, Chine), l’institut des Cultures d’Islam (Paris, France), SAVVY Contemporary (Berlin, Allemagne), Kunsthalle Krems (Krems, Autriche).

Œuvres
Expositions
Foires
Presse
Catalogues
Interview

Dès le début de ta carrière en 2015, tes œuvres parlaient de l’immigration et de la superficialité des frontières. À partir de 2020, elles s'intéressaient à la sur-exploitation des ressources naturelles - notamment minières - et des hommes, au service de l’économie de marché. Comment en es-tu venu à aborder les champs de coton sous le prisme du passé ? 


Il faut dire qu’avant même d'en arriver à la question migratoire, je m'intéressais aux violences et plus particulièrement à celles que je vivais dans mon pays. Entre 2013 et 2015, le Cameroun passait un moment effroyable suite aux actes terroristes. Je me demandais alors comment matérialiser et garder une trace de cette période. C'est ainsi que j'ai commencé à m'intéresser aux questions autour de la condition humaine. Partant de cette condition humaine, j’ai été amené à me questionner sur la notion d’espace. 

 

En travaillant sur la notion de violence, je représentais et je figeais les espaces où ces massacres avaient eu lieu, en inscrivant tout simplement les noms de ces lieux sur mes œuvres. À cette époque, chacune de mes toiles représentait un timbre. J’utilisais la structure, je mentionnais le prix ainsi que le pays émetteur du timbre que je modifiais en fonction du lieu des attaques. C'est ainsi que, de fil en aiguille, j’ai commencé à vouloir représenter la notion d’espace différemment. C’est ce qui m’a par la suite amené vers l'univers de la cartographie, puis, en étudiant la cartographie, vers les questions de frontières. Le sujet de la migration s'est naturellement imposé à moi dans ce contexte où je matérialisais les espaces, traitant de la question de la condition humaine. Pour moi, tous les sujets sont bons à traiter tant que l’humain reste au centre. Tous les sujets qui témoignent d’une forme d’injustice sont, pour moi, des sujets importants à traiter. Voilà comment, petit à petit, je suis passé de la migration aux questions économiques et notamment à l’exploitation des matières premières. Il était donc logique pour moi d’aborder la thématique du coton, en rapport avec le passé et l'histoire. C'est un fil conducteur. 

 

Je travaille sur les différentes formes de matières premières : les matières fossiles, les matières agricoles et les matières liquides. Je me concentre actuellement sur les matières agricoles. Quand on s’intéresse aux matières agricoles, et en particulier à la question du coton, on est naturellement amenés à ouvrir tout un pan de l'histoire de l'humanité. Cela inclut la période de l’esclavage et les déportations et déplacements des peuples noirs. Nous devons ainsi nous interroger sur le rôle de ces évènements dans le développement de l'économie du monde occidental aujourd'hui.

 

Comment décrirais-tu ton exposition Les dompteurs de nuages ?


Contrairement à toutes les expositions que j'ai pu faire avec la galerie AFIKARIS, celle-ci est particulière parce que j'ouvre un débat autour de la question de l'Histoire et de ses répercussions sur le monde contemporain. Ici, je mets en exergue la notion de modernité. Qu'est-ce que la modernité aujourd'hui ? Pourquoi une forme d’esclavage, dont les origines trouvent leurs racines dans le passé, perdure-t-elle ? Comment, en initiant de nouvelles conversations, ce paradigme peut-il changer ? Je pense qu’il s’agit d’amener les gens à s’interroger sur les effets du passé et la manière dont il impacte le monde contemporain. 


On parle souvent de toi comme le peintre de la condition humaine. Pourquoi choisir la condition humaine comme ligne directrice de ton art ? 


Je suis quelqu'un qui a toujours cherché à comprendre l'humain. De ce fait, le corps est à la base de ma démarche créative. Traiter du corps me ramène à traiter de l'humain et de sa condition sociale. Quelles sont les façons dont ce corps est perçu aujourd'hui dans les différents espaces dans lequel il va se manifester et agir ? La notion de corps, pour moi, fonctionne en corrélation avec la notion d’espace, parce que c'est le corps qui permet à un espace d’exister. C'est l'espace qui donne matière à visualiser, et donne justement naissance aux revendications du corps. 

 

C’est pourquoi, traiter de la condition humaine est pour moi une manière de créer un dialogue entre le corps et l’espace ; et de voir ce qui peut ressortir d'essentiel de cet ensemble-là. Traiter de la condition humaine fait aussi partie de mon histoire en tant qu'humain, en tant qu'adolescent, en tant qu'enfant. Ayant connu des soubresauts dans ma vie, je me suis dit que c'était peut-être le moyen de parler de moi et de ma condition en tant que Jean David dans un espace spécifique à une réalité que j'ai vécue et que j'ai connue. Aujourd’hui, cette réalité est devenue un tremplin pour essayer de transmettre mon histoire à travers les œuvres que je réalise. Je dis toujours que mes œuvres sont une partie de moi-même. La plupart des corps ou bien des visages que je représente sont en fait des crypto-portraits. Ils sont une représentation de moi-même ou bien un souhait de représentation de moi-même, en fonction des sujets que je traite et que je veux transmettre. Simon Njami [écrivain, commissaire d’exposition, essayiste et critique d’art camerounais] a bien su relever cela en disant que je me mets généralement à l'écart, mais me représente à travers des modèles et des personnes que je sculpte ou dont je fais le portrait.


Comment cette condition humaine se manifeste dans ton nouvel ensemble d'œuvres ?


Cette condition humaine se manifeste toujours dans une logique de représenter l'humain dans des activités bien spécifiques : dans des champs, dans son environnement ou dans des lieux précis. Le travail que je présente ici dépeint la situation des ouvriers dans les champs de coton, mais cela pourrait être aussi dans les champs de cacao, de café, comme cela a été auparavant le cas dans les zones d'extraction minière. Mon travail reste vraiment dans cette logique.

 

La représentation de cette condition dans mes œuvres est une manifestation de résilience et de remise en question de soi : ce que l’on voudrait être et comment on souhaite véritablement le devenir. Ce n'est pas une représentation défaitiste. Non. C'est au contraire une représentation très optimiste. C'est pour cela que la plupart de mes personnages, à travers leur attitude, gardent toujours une forme d'énergie positive.

 

Tes deux précédentes expositions personnelles à la galerie AFIKARIS présentaient uniquement des travaux sur toile. Ce nouveau solo show Les dompteurs de nuages, explore différents médiums, dont des œuvres sur papier et une installation. Qu’est-ce qui t’a poussé à t’intéresser et exposer d’autres formes artistiques ? Comment vois-tu l’évolution de ton travail ? 


En tant qu'artiste contemporain aujourd'hui, je pense qu'il n'y a pas de limitation en termes de médium. Le médium doit s’adapter aux sujets et aux réflexions que l’on mène. Je suis conscient d’être davantage connu et reconnu en tant que peintre. Pourtant, ce n’est pas la première fois que j’explore d’autres médiums. Je l'ai déjà fait à plusieurs reprises dans des expositions au Cameroun, mais ce sera la première fois que je montrerai ce pan de mon travail en Europe.

Cette installation est aussi une manière de montrer au monde de l'art contemporain que mon travail ne se limite pas à la peinture. Il est venu le moment de m’éloigner de la peinture et de montrer qu'un sujet peut être visité à travers plusieurs types de médiums. C’est une manière de me renouveler et d’éviter la monotonie. Parfois, proposer des sculptures, dessins, et autres, sur un même sujet, présente différents défis techniques. En effet, c'est une autre façon de présenter le sujet et d’aller vers d’autres émotions. C’est une manière de créer une autre immersion dans mon travail.

 

Explorer d'autres médiums est aussi une question de moyens. Réaliser des installations demande énormément d'investissement, de technicité et d’organisation. Il est souvent plus simple pour moi de me concentrer sur la peinture. Par exemple, pour l’exposition que nous préparons actuellement, il était très important de faire venir du Cameroun les matériaux que nous n’étions pas sûrs de pouvoir trouver à Paris. Il y a donc aussi ces questions de transport et de manutention qu'il faut prendre en compte quand on prépare des expositions à l'étranger qui incluent des installations. 

 

Cette exposition se déroulera alors que la galerie AFIKARIS fête ses 5 ans. Je pense que l'évolution de la galerie va de pair avec l'évolution de l'artiste. Cinq ans après sa création, la galerie montre que ses artistes ne se démarquent pas dans une seule discipline, mais qu’ils peuvent aussi s'exprimer à travers différents médiums. 


Pour cette exposition, tu as choisi de réaliser les sérigraphies présentes sur les sacs de ton installation en collaboration avec un autre artiste : Magloire Mpaka. Pourquoi ce choix ? Que t’ont apporté cette conversation et cet échange artistique ? 


J’utilise beaucoup la sérigraphie dans mon travail mais je ne pratique pas les techniques de réalisation de ce procédé - notamment fabriquer un pochoir, ou faire le montage graphique du calque qui va aider à insoler le pochoir. Au Cameroun, je travaille toujours en collaboration avec d'autres artistes. 

 

Dans le cadre de ma résidence à Paris, j’ai cherché un atelier de sérigraphie qui pouvait m'accompagner dans la réalisation de mon installation. C’est ainsi que j’ai rencontré Magloire Mpaka. C'était essentiel d'échanger avec lui, parce que je pense qu’il est nécessaire de faire des collaborations entre artistes afin de partager des expériences. Et j'étais ravi de me rendre compte qu'il s'intéressait aussi à la question des archives, que j’ai récemment introduites dans mon travail. 


Comment choisis-tu les titres de tes œuvres ? 


Les titres de mes œuvres sont depuis fort longtemps inspirés et influencés par l'univers de la poste car je considère que chacune de mes œuvres représente un message que je transmets à l'humanité. C’est dans cette même idée que vous retrouverez toujours des timbres sur mes toiles. Dans les titres, j’introduis des codes qui rappellent le domaine de la communication comme par exemple BP, PO Box, www, #, etc. J'utilise tous ces éléments, qu'ils soient du passé ou du présent, pour me les réapproprier. Ils font partie de l'identité de mon travail.

 

Aujourd'hui, j’introduis une nouvelle codification dans la nomenclature de mes titres. Je reprends les codes utilisés dans la classification des archives pour renseigner sur le type d’archives dont il s’agit. 

 

En 2023, quel message souhaiterais-tu faire entendre au plus grand nombre ? 


C'est un message humanitaire mais aussi un message de remise en question. Je ne suis pas là pour juger les gens ni pour les conscientiser. Je suis là pour poser des questions et présenter des constats en fonction de ma perception du monde à travers les espaces dans lesquels je vis. Je souhaite tout simplement créer des débats autour des différents sujets qu’il m’importe d’explorer.

 

Je suis comme une éponge, j'absorbe la plupart des choses qui m'entourent puis je les transmets sur le plan plastique et artistique. Mon souhait est de passer un message humanitaire et que l'humain, d'une certaine manière, essaye de se questionner véritablement sur la place qu’il occupe dans le monde et du rôle qu'il a à jouer au sein d’un groupe ou d’une communauté.